LES BLASONS | ||
La partie supérieure de certaines portes des cloîtres est ornée de blasons. Ils gardent mémoire de la longue histoire du monastère. Au-dessus de la porte ouvrant sur le chapitre (pièce où la communauté se réunit chaque matin pour écouter un chapitre de la Règle de Saint Benoît et son commentaire par l'abbesse), le blason de Clairvaux rappelle que l'abbaye d'Igny a été fondée par saint Bernard. Si la charte de fondation est datée de 1126, c'est seulement en 1128 que les premiers moines,venant de l'abbaye de Clairvaux et désignés par leur abbé Bernard, arrivèrent sur les lieux. A leur tête était Humbert qui fut bientôt nommé abbé de la nouvelle fondation.On s'empressa de construire une modeste église qui fut dédicacée solennellement le 28 avril 1130. En 1138 Guerric succéda à Humbert rentré à Clairvaux. |
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La porte ouvrant sur le local où se tient la soeur portière est ornée des armoiries de Renaud II de Martigny, qui fut archevêque de Reims de 1124 à 1138. Ce blason est "de gueules à trois genouillères d'armes anciennes d'argent 2 & 1". Le seigneur Renaud, reconnaissant envers saint Bernard qui avait rétabli la paix dans son diocèse, fit donation à ce dernier des biens immobiliers qu'il possédait au lieu-dit Igny, sur la commune d'Arcis-le-Ponsart, en vue d'y fonder un monastère. Le site, pourvu de sources abondantes, de bois et de terres cultivables, sembla propice à ce dessein et Bernard accepta. |
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Au-dessus d'une porte latérale donnant sur le fond de l'église, on voit les armoiries de Mgr Benoît-Marie Langénieux. Elles sont "d'azur à la croix d'argent potencée, cantonnée de quatre croisettes de même." En 1875, cet archevêque de Reims fit appel à l'abbé de Sainte Marie du Désert, au diocèse de Toulouse, pour reprendre possession du monastère d'Igny que la période révolutionnaire avait vidé de ses moines. Le 1er janvier 1876, vingt trois religieux arrivaient. Les débuts furent très pauvres, très difficiles. Le nouveau prieur, Père Nivard, accablé par de nombreuses épreuves, se vit bientôt contraint de démissionner. Pour le remplacer, le choix des moines d'Igny se porta sur le Père Augustin Marre. C'était le 28 février 1881. L'érection du prieuré d'Igny en abbaye eut lieu en 1886 et la communauté élut Père Augustin comme son premier abbé. |
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Très apprécié par l'archevêque de Reims, Dom Augustin est promu le 19 août 1900, par le Saint-Siège, évêque coadjuteur du cardinal Langénieux. En 1904, autre promotion : il est élu Abbé général de l'Ordre Cistercien de la Stricte Observance. Il obtient cependant, à la fois du Chapitre général de l'Ordre et du Pape Pie X, le privilège de demeurer Abbé d'Igny en même temps qu'Abbé général. Les armoiries qui ornent la porte d'entrée de l'église, côté hôtellerie cette fois, résument cette destinée exceptionnelle. Le galero qui surmonte l'ensemble lui a valu le nom de porte cardinalice. Le blason, d'azur semé de fleurs de lys d'or, est celui de Reims, mais celui de Cîteaux a été apposé par dessus, à gauche. Si bien que la mitre et la crosse sont aussi bien celles de l'évêque coadjuteur que celle de l'abbé. En dessous on peut lire sa devise, tirée du chapitre 64 de la Règle de saint Benoît : PRODESSE MAGIS QUAM PRAESSE - "aider bien plus que régir". Tout un programme ! |
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La guerre 1914-1918 sonne la fin de cette deuxième communauté de moines à Igny. La dispersion commence avec la mobilisation. Monseigneur Marre, en tant qu'Abbé général, réside au monastère de Laval en Mayenne, car l'abbaye de Cîteaux est occupée par deux hôpitaux. Le monastère d'Igny se trouve en plein front et le 6 août 1918, il est complétement détruit lors de la retraite allemande. Un aumônier militaire campant à proximité de l'abbaye a pu retrouver quelques objets de valeur et surtout la châsse contenant les reliques du bienheureux Guerric et il en avertit le cardinal Louis-Joseph Luçon. Le blason de cet archevêque de Reims se trouve au-dessus d'une porte latérale de l'église donnant sur le choeur des moniales. Il est "d'azur à un agneau pascal accompagné d'un M en onciale d'or dans le canton dextre." |
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Revenu à l'abbaye de Cîteaux après l'armistice avec quelques uns de ses moines, Monseigneur Marre se rend compte que sa communauté décimée, vieillie, ne pourra jamais se reconstituer à Igny. Une circonstance providentielle va cependant lui permettre de faire revivre ce lieu chargé d'histoire monastique. En 1926, on propose à ceux qui ont subi des dégâts matériels du fait de la guerre de bénéficier des "dommages de guerre", mais il faut une réponse immédiate et l'assurance de bâtir aussitôt. Un nouveau monastère est construit et Monseigneur Marre l'offre à la communauté de N.D. de l'Immaculée Conception de Laval. Trente religieuses arrivent le 29 novembre 1929. Le blason de l'abbaye de N.D. de La Coudre à Laval, au-dessus de la porte du scriptorium, fait mémoire de cette origine. Le lis blanc sur fond "d'azur chargé d'un croissant d'argent" fait référence au patronage de l'Immaculée Conception. |
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Les moniales ont tenu à reprendre l'ancien blason d'Igny. "D'azur semé de fleurs de lys d'or, à lettre I capitale, de sable, posée en coeur, brochant le tout", il surplombe la porte du grand réfectoire. Au XIXème siècle, en effet, les religieux avaient cru bon de composer un nouveau blason, où, sur le champ fleurdelisé ils avaient placé "en coeur un écu d'or, au monde d'azur cintré d'argent et laissant échapper des flammes, surmonté d'une étoile à cinq branches de gueules", avec cette devise "VENI IGNEM MITTERE - je suis venu apporter un feu" (Luc 12,49). Le motif du tabernacle actuel renvoie à ce jeu de mots sur le nom du monastère. |
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En 2008, les communautés de Belval, de la Grâce-Dieu et d'Igny se regroupent au Val d'Igny. Le blason de Belval prend place au-dessus de la porte qui ouvre sur l'escalier est. Il est "d'azur à la rose d'or, tigée et feuillée du même, mouvant d'une terrasse de sinople et accostée à dextre d'une croix pattée d'argent, à sénestre d'une coquille du même". L'abbaye de Belval fut fondée en 1893, au diocèse d'Arras, sur l'initiative du curé de Troivaux et l'entremise de Dom Sébastien Wyart, alors abbé de Sept-Fons qui fit appel aux religieuses de La Coudre-Laval. La rose d'or du blason est une allusion à Marie, rosa mystica, à laquelle le monastère est dédié. La croix de saint Benoît évoque le souvenir de l'antique abbaye des bénédictines de Blangy, toute proche. La coquille rappelle saint Benoît Labre, originaire de l'Artois. Après avoir été novice cistercien à l'abbaye de Sept-Fons, il embrassa une vie de pélerin. |
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Le blason au dessus de la porte qui ouvre sur l'escalier ouest évoque la communauté de la Grâce-Dieu en tant qu'héritière des religieuses de Port-Royal de Paris. Ces dernières pratiquaient l'adoration eucharistique perpétuelle, d'où les deux anges à genoux de part et d'autre du calice surmonté de l'hostie. La colombe qui descend sur l'ensemble représente l'Esprit Saint, et le fond d'azur, le ciel. Une fois la tourmente révolutionnaire passée, les religieuses de Port Royal restées fidèles à Rome s'étaient regroupées. En 1841 elles étaient venues s'installer à Besançon, où le Cardinal Mathieu, leur ancien supérieur devenu archevêque, les avait invitées. En 1921 se fit le rattachement officiel de la communauté à l'Ordre Cistercien de la Stricte Observance et en 1927 elles redonnaient vie à l'antique abbaye cistercienne de la Grâce-Dieu, fondée en 1139, et que les derniers moines avaient dû quitter en 1909. |
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En 2011, la communauté cistercienne d'Ubexy se joint aux soeurs du Val d'Igny. Son blason prend place au-dessus de la porte des coules, local où les soeurs déposent l'habit blanc à longues manches qu'elles revêtent pour les offices liturgiques au choeur. Comme Igny et Belval, Ubexy est une fondation de La Coudre-Laval. Mgr de Jerphanion, évêque de Saint-dié, avait sollicité la Mère Abbesse pour une fondation dans son diocèse. En 1837, deux vosgiennes, soeurs de sang, entrent à Laval à la condition de revenir en Lorraine lors de la fondation, ce qui fut fait. Le 19 février 1841 les premières trappistines s'établissent dans l'ancien château féodal d'Ubexy, alors en vente. La dernière étape de leur voyage depuis la Mayenne se fit à Nancy où les soeurs de la Doctrine chrétienne leur firent don d'une statuette de Saint Joseph en bois. Dès ce moment le saint Patriarche fut choisi comme patron de la fondation. D'où les deux initiales qui ornent le blason sur fond d'or. |