ARCHITECTURE | ||
Une dizaine d'années après la destruction du monastère lors de la retraite allemande de 1918, l'abbaye d'Igny se relève de ses ruines grâce aux dommages de guerre. Les travaux durent de 1927 à 1929. Pour cette reconstruction on se conforme exactement au plan-type des abbayes cisterciennes : bâtiments disposés en quadrilatère encadrant un préau intérieur. L'architecte s'inspire de l'antique monastère de Loc-Dieu, situé à Martiel, près de Villefranche en Rouergue. Fondé en 1123 ou 24, Loc-Dieu, le Lieu de Dieu, se rattache officiellement à l'ordre de Cîteaux en 1162. La guerre de Cent Ans transformera le monastère en château fort, d'où son aspect d'abbaye fortifiée. Les deux vues ci-dessous, d'Igny (à gauche) et du Loc-Dieu (à droite), permettent de constater une ressemblance certaine. |
|||
Mais il est une autre ressemblance, notablement plus ancienne. Lorsqu'on entre dans l'église du monastère du Val d'Igny, le regard est attiré par les nombreuses colonnes et leurs chapiteaux, tous différents et ornés des feuilles d'eau typiques de l'architecture de transition roman-gothique des abbayes cisterciennes du XII siècle. Leur sobriété tranche avec la richesse des chapiteaux historiés contre lesquels Bernard de Clairvaux fulmine dans son Apologie à Guillaume de Saint-Thierry. Pareil dépouillement n'est pas qu'austérité, il est aussi mémoire au-delà de la mémoire, puisqu'il nous fait remonter aux débuts de la civilisation et même à la préhistoire. A ce sujet, on se reportera avec profit au volume 1 de l'histoire de l'humanité publié par l'UNESCO en 1963 (Laffont 1967). Au chapitre 4 de la deuxième partie, Sir Léonard Wooley parle entre autres des colonnes mésopotamiennes et égyptiennes du 3ème millénaire avant JC. "Les unes imitent le tronc du palmier, les autres une fascine de roseaux de papyrus liés au sommet et à la base." Photos ci-contre : liens au sommet ... et à la base ... "La colonne en forme de palmier a un chapiteau imitant soit les frondaisons de l'arbre, soit un calice de fleur rappelant assez une cloche renversée". Ces "colonnes qui ornaient les temples et les palais ... sont la transposition d'originaux érigés dans d'autres matériaux" ... elles gardent "le souvenir des troncs de palmier et des fascines de papyrus des temps préhistoriques" (page 443). Ainsi, "dans le delta de l'Euphrate où la nature ne fournit rien d'autre que de la boue, des roseaux et des palmiers", l'habitation primitive fut "la hutte de roseaux" - comment ne pas penser ici aux cistels / roseaux qui ont donné leur nom à Cîteaux ! Ce "type de construction, représenté sur un relief en pierre du quatrième millénaire avant J.C." est des plus simples. "D'abord, explique Sir L. Wooley, vous plantez droit dans le sol deux fascines, ou fagots, de longs roseaux ... Puis vous attachez des barres transversales constituées de fascines plus légères, de manière à former une charpente à laquelle vous fixez des nattes en roseaux pour compléter le mur." "Le mur fait avec les nattes sera obligatoirement rectiligne. Il peut, naturellement, être prolongé indéfiniment grâce à l'addition de nouveaux montants verticaux, mais ceux-ci doivent s'aligner sur les deux premiers. Pour enclore un espace ... le dernier montant doit servir de poteau cornier afin de former l'angle, et il en résulte que le plan sera rectangulaire." "Les fascines verticales sont plus minces au sommet et par conséquent flexibles ; vous pouvez les courber vers l'intérieur et les lier deux à deux ; vous avez ainsi la charpente d'une sorte de tunnel qui peut être recouvert entièrement de nattes formant voûte ou coupole." (page 437) Au "second stade, les murs de nattes n'offrent pas une protection totale contre le vent et la solution la plus évidente consiste à les enduire avec la boue que l'on trouve partout ; comme il faut, de temps en temps, en étaler une nouvelle couche, l'épaisseur du revêtement devient, à la longue, considérable." On se dit alors "qu'après tout, les roseaux ne sont peut-être pas indispensables, et que les maisons pourraient être construites uniquement avec de la boue." Un jour, "un constructeur ingénieux conçut l'idée d'utiliser de petits blocs d'argiles liés ensemble par un mortier de boue".(page 438) Mais revenons en arrière. "En construisant leurs murs, les bâtisseurs primitifs des huttes de roseaux avaient attaché leurs nattes à l'intérieur de la charpente ... Quand, ensuite, ils étalèrent la boue en guise de plâtre, les fascines verticales produisirent l'effet de demi-colonnes divisant le mur en panneaux." "L'effet décoratif était certain, surtout dans le cas des grandes constructions, car les piliers étaient plus nombreux et plus lourds et, par conséquent, accusaient un relief plus accentué ; ils se trouvaient sans doute tout près les uns des autres, afin d’assurer une certaine solidité aux édifices." (page 439) Les temples des débuts du troisième millénaire avant j.C. "ont dû être construits ainsi, et, comme les traditions religieuses sont tenaces, les constructeurs qui employèrent la brique copièrent fidèlement les modèles fournis par les anciens. On pouvait conserver les demi-colonnes arrondies, ... ou bien, les briques étant rectangulaires, il était plus facile d’en faire des contreforts carrés ; mais, pour un édifice religieux, le mur à panneaux était essentiel, et ce principe resta valable jusqu’aux derniers jours de Babylone." "En fait, il fut appliqué uniquement aux temples, à l’origine parce qu’il n’y avait aucune intérêt à imiter les montants espacés et frêles des maisons particulières, et plus tard parce que ce type de construction était si étroitement associé aux temples qu’en l’employant à des usages profanes on aurait commis un véritable sacrilège – l’homme s’arroge le droit de concevoir à sa manière la maison du dieu, mais la maison du dieu doit rester éternellement identique à ce qu’elle était à l’origine." (p.440) Au-delà de leur dimension décorative, les feuilles d'eau des chapiteaux témoignent d'un lien vivace avec nos plus lointains ancêtres. Et ces colonnes dressées siècle après siècle, comme les piliers d'un pont qui va d'eux jusqu'à nous, continuent d'inviter notre commune humanité à élever son coeur vers le Dieu créateur et Sauveur de tous. "D'âge en âge, Seigneur, tu as été notre refuge" (Psaume 89,1).
|
|||
LES BLASONS | ||
La partie supérieure de certaines portes des cloîtres est ornée de blasons. Ils gardent mémoire de la longue histoire du monastère. Au-dessus de la porte ouvrant sur le chapitre (pièce où la communauté se réunit chaque matin pour écouter un chapitre de la Règle de Saint Benoît et son commentaire par l'abbesse), le blason de Clairvaux rappelle que l'abbaye d'Igny a été fondée par saint Bernard. Si la charte de fondation est datée de 1126, c'est seulement en 1128 que les premiers moines,venant de l'abbaye de Clairvaux et désignés par leur abbé Bernard, arrivèrent sur les lieux. A leur tête était Humbert qui fut bientôt nommé abbé de la nouvelle fondation.On s'empressa de construire une modeste église qui fut dédicacée solennellement le 28 avril 1130. En 1138 Guerric succéda à Humbert rentré à Clairvaux. |
|||
La porte ouvrant sur le local où se tient la soeur portière est ornée des armoiries de Renaud II de Martigny, qui fut archevêque de Reims de 1124 à 1138. Ce blason est "de gueules à trois genouillères d'armes anciennes d'argent 2 & 1". Le seigneur Renaud, reconnaissant envers saint Bernard qui avait rétabli la paix dans son diocèse, fit donation à ce dernier des biens immobiliers qu'il possédait au lieu-dit Igny, sur la commune d'Arcis-le-Ponsart, en vue d'y fonder un monastère. Le site, pourvu de sources abondantes, de bois et de terres cultivables, sembla propice à ce dessein et Bernard accepta. |
|||
Au-dessus d'une porte latérale donnant sur le fond de l'église, on voit les armoiries de Mgr Benoît-Marie Langénieux. Elles sont "d'azur à la croix d'argent potencée, cantonnée de quatre croisettes de même." En 1875, cet archevêque de Reims fit appel à l'abbé de Sainte Marie du Désert, au diocèse de Toulouse, pour reprendre possession du monastère d'Igny que la période révolutionnaire avait vidé de ses moines. Le 1er janvier 1876, vingt trois religieux arrivaient. Les débuts furent très pauvres, très difficiles. Le nouveau prieur, Père Nivard, accablé par de nombreuses épreuves, se vit bientôt contraint de démissionner. Pour le remplacer, le choix des moines d'Igny se porta sur le Père Augustin Marre. C'était le 28 février 1881. L'érection du prieuré d'Igny en abbaye eut lieu en 1886 et la communauté élut Père Augustin comme son premier abbé. |
|||
Très apprécié par l'archevêque de Reims, Dom Augustin est promu le 19 août 1900, par le Saint-Siège, évêque coadjuteur du cardinal Langénieux. En 1904, autre promotion : il est élu Abbé général de l'Ordre Cistercien de la Stricte Observance. Il obtient cependant, à la fois du Chapitre général de l'Ordre et du Pape Pie X, le privilège de demeurer Abbé d'Igny en même temps qu'Abbé général. Les armoiries qui ornent la porte d'entrée de l'église, côté hôtellerie cette fois, résument cette destinée exceptionnelle. Le galero qui surmonte l'ensemble lui a valu le nom de porte cardinalice. Le blason, d'azur semé de fleurs de lys d'or, est celui de Reims, mais celui de Cîteaux a été apposé par dessus, à gauche. Si bien que la mitre et la crosse sont aussi bien celles de l'évêque coadjuteur que celle de l'abbé. En dessous on peut lire sa devise, tirée du chapitre 64 de la Règle de saint Benoît : PRODESSE MAGIS QUAM PRAESSE - "aider bien plus que régir". Tout un programme ! |
|||
La guerre 1914-1918 sonne la fin de cette deuxième communauté de moines à Igny. La dispersion commence avec la mobilisation. Monseigneur Marre, en tant qu'Abbé général, réside au monastère de Laval en Mayenne, car l'abbaye de Cîteaux est occupée par deux hôpitaux. Le monastère d'Igny se trouve en plein front et le 6 août 1918, il est complétement détruit lors de la retraite allemande. Un aumônier militaire campant à proximité de l'abbaye a pu retrouver quelques objets de valeur et surtout la châsse contenant les reliques du bienheureux Guerric et il en avertit le cardinal Louis-Joseph Luçon. Le blason de cet archevêque de Reims se trouve au-dessus d'une porte latérale de l'église donnant sur le choeur des moniales. Il est "d'azur à un agneau pascal accompagné d'un M en onciale d'or dans le canton dextre." |
|||
Revenu à l'abbaye de Cîteaux après l'armistice avec quelques uns de ses moines, Monseigneur Marre se rend compte que sa communauté décimée, vieillie, ne pourra jamais se reconstituer à Igny. Une circonstance providentielle va cependant lui permettre de faire revivre ce lieu chargé d'histoire monastique. En 1926, on propose à ceux qui ont subi des dégâts matériels du fait de la guerre de bénéficier des "dommages de guerre", mais il faut une réponse immédiate et l'assurance de bâtir aussitôt. Un nouveau monastère est construit et Monseigneur Marre l'offre à la communauté de N.D. de l'Immaculée Conception de Laval. Trente religieuses arrivent le 29 novembre 1929. Le blason de l'abbaye de N.D. de La Coudre à Laval, au-dessus de la porte du scriptorium, fait mémoire de cette origine. Le lis blanc sur fond "d'azur chargé d'un croissant d'argent" fait référence au patronage de l'Immaculée Conception. |
|||
Les moniales ont tenu à reprendre l'ancien blason d'Igny. "D'azur semé de fleurs de lys d'or, à lettre I capitale, de sable, posée en coeur, brochant le tout", il surplombe la porte du grand réfectoire. Au XIXème siècle, en effet, les religieux avaient cru bon de composer un nouveau blason, où, sur le champ fleurdelisé ils avaient placé "en coeur un écu d'or, au monde d'azur cintré d'argent et laissant échapper des flammes, surmonté d'une étoile à cinq branches de gueules", avec cette devise "VENI IGNEM MITTERE - je suis venu apporter un feu" (Luc 12,49). Le motif du tabernacle actuel renvoie à ce jeu de mots sur le nom du monastère. |
|||
En 2008, les communautés de Belval, de la Grâce-Dieu et d'Igny se regroupent au Val d'Igny. Le blason de Belval prend place au-dessus de la porte qui ouvre sur l'escalier est. Il est "d'azur à la rose d'or, tigée et feuillée du même, mouvant d'une terrasse de sinople et accostée à dextre d'une croix pattée d'argent, à sénestre d'une coquille du même". L'abbaye de Belval fut fondée en 1893, au diocèse d'Arras, sur l'initiative du curé de Troivaux et l'entremise de Dom Sébastien Wyart, alors abbé de Sept-Fons qui fit appel aux religieuses de La Coudre-Laval. La rose d'or du blason est une allusion à Marie, rosa mystica, à laquelle le monastère est dédié. La croix de saint Benoît évoque le souvenir de l'antique abbaye des bénédictines de Blangy, toute proche. La coquille rappelle saint Benoît Labre, originaire de l'Artois. Après avoir été novice cistercien à l'abbaye de Sept-Fons, il embrassa une vie de pélerin. |
|||
Le blason au dessus de la porte qui ouvre sur l'escalier ouest évoque la communauté de la Grâce-Dieu en tant qu'héritière des religieuses de Port-Royal de Paris. Ces dernières pratiquaient l'adoration eucharistique perpétuelle, d'où les deux anges à genoux de part et d'autre du calice surmonté de l'hostie. La colombe qui descend sur l'ensemble représente l'Esprit Saint, et le fond d'azur, le ciel. Une fois la tourmente révolutionnaire passée, les religieuses de Port Royal restées fidèles à Rome s'étaient regroupées. En 1841 elles étaient venues s'installer à Besançon, où le Cardinal Mathieu, leur ancien supérieur devenu archevêque, les avait invitées. En 1921 se fit le rattachement officiel de la communauté à l'Ordre Cistercien de la Stricte Observance et en 1927 elles redonnaient vie à l'antique abbaye cistercienne de la Grâce-Dieu, fondée en 1139, et que les derniers moines avaient dû quitter en 1909. |
|||
En 2011, la communauté cistercienne d'Ubexy se joint aux soeurs du Val d'Igny. Son blason prend place au-dessus de la porte des coules, local où les soeurs déposent l'habit blanc à longues manches qu'elles revêtent pour les offices liturgiques au choeur. Comme Igny et Belval, Ubexy est une fondation de La Coudre-Laval. Mgr de Jerphanion, évêque de Saint-dié, avait sollicité la Mère Abbesse pour une fondation dans son diocèse. En 1837, deux vosgiennes, soeurs de sang, entrent à Laval à la condition de revenir en Lorraine lors de la fondation, ce qui fut fait. Le 19 février 1841 les premières trappistines s'établissent dans l'ancien château féodal d'Ubexy, alors en vente. La dernière étape de leur voyage depuis la Mayenne se fit à Nancy où les soeurs de la Doctrine chrétienne leur firent don d'une statuette de Saint Joseph en bois. Dès ce moment le saint Patriarche fut choisi comme patron de la fondation. D'où les deux initiales qui ornent le blason sur fond d'or. |
BENEDICTION ABBATIALE de MERE ISABELLE VALEZ - Samedi 5 juillet 2014
|
Père, notre communauté de Notre-Dame du Val d'Igny, de l'Ordre Cistercien de la Stricte Observance, a élu comme abbesse de ce monastère mère Isabelle Valez.
Au nom de la communauté, nous vous la présentons et nous vous demandons de bien vouloir la bénir. |
|
|
Recevez cet anneau, signe de fidélité. Avec un ferme courage, gardez cette communauté dans l'amour fraternel. |
Pasteur plein de bonté, tu as choisi ta servante Isabelle pour qu'elle soit l'abbesse de cette communauté : accorde-lui de conduire ses soeurs par son exemple et son enseignement sur le chemin de la droiture et qu'ensemble, elles aient la joie de recevoir de ta main l'éternelle récompense. |
|
Photos : Jean-Pierre LAGARDE |
LES DEBUTS DE CITEAUX |
||
Les fondateurs de Cîteaux
|
LE NOUVEAU MONASTERE
C'était le 21 mars 1098, jour de la fête de saint Benoît et dimanche des Rameaux cette année là. Même si l'événement se passait au grand jour et avec l'approbation de Hugues, archevêque de Lyon et légat du Siège apostolique, il a fallu une certaine audace à Robert, Albéric, Eudes, Jean, Etienne, Létald, Pierre, Ibold et aux autres qui les accompagnaient, pour quitter leur monastère et leurs frères de Molesmes, pour abandonner un style de vie bénédictine commun à leur époque et une sécurité matérielle patiemment construite, pour changer de région et de diocèse, pour partir ailleurs où rien ne les attendait, sinon beaucoup de labeur et de grâce, et pour commencer là quelque chose d'autre, de nouveau. Ils ont osé le pas décisif, sans retour, qui attestait que leur désir d'authenticité ne relevait pas du rêve, ni de l'illusion ou d'un manque de réalisme. Une telle audace n'appartient pas forcément à la jeunesse. En tête du groupe marche l'abbé Robert, âgé de 70 ans. Il convient plutôt ici de parler d'audace de la foi. Ces hommes ont perçu un appel de Dieu, appel qui trouve une réponse dans ce chemin aujourd'hui long de 9 siècles et qui nous atteint dans la mémoire que nous faisons d'eux. Le cadre extérieur étant posé, nous pouvons en quelque sorte prendre les mesures du Nouveau Monastère. Ce dernier se présente en effet comme une réalité en trois dimensions, autrement dit ses différentes composantes lui permettent de se déployer en longueur dans le temps, de s'étendre en largeur dans l'espace, de toucher déjà à l'éternité en s'enracinant profondément dans le mystère. Considérons tout d'abord sa longueur. Elle va d'arrière en avant, elle part de la référence constante, insistante, à la Règle de Saint Benoît et aboutit au propos d'en vivre concrètement, fidèlement. Se référer signifie se re-porter, se porter en arrière. Les fondateurs de Citeaux ne partent pas à l'aventure, ils sont portés en arrière, leurs arrières sont assurées. La Règle de Saint Benoît est leur point d'appui, leur assise, la norme de vie à laquelle il se reportent sans cesse pour aller de l'avant. Elle n'est pas une loi qui les empêche d'avancer en posant devant eux des interdits ou des menaces ! Au contraire, elle leur montre les vrais chemins, elle leur propose les bons moyens pour progresser, car Saint Benoît l'a voulue au service de l'homme pour son bonheur, au service de sa vie en Dieu dès maintenant. Dans les documents primitifs, il est question de "la rectitude de la Règle prise comme norme pour diriger tout le cours de leur vie" (Petit Exorde XV, 3). Certes, la référence à la Règle bénédictine existait bien à Molesmes, mais la prise de conscience d'une "pratique tiède et paresseuse" avait provoqué comme une faille dans leur coeur. Le décalage entre ce qu'ils avaient promis d'observer au jour de leur profession et le vécu quotidien leur était de plus en plus insupportable. A Molesmes, comme dans beaucoup d'autres monastères de l'époque, l'abondance des revenus - donations et dîmes - avait amené un déséquilibre. Les documents nous apprennent que les moines "possédaient des églises ou des autels, des droits d'offrande ou de sépulture, les dîmes d'autrui, des fours, des moulins, des domaines ruraux, des paysans, etc" (cf P.E. XV, 5). Ils n'avaient pas besoin de travailler pour assurer leur subsistance et, de ce fait, consacraient leur temps à des célébrations liturgiques fastueuses et très élaborées. L'observance monastique se relâchait du fait d'un style de vie de plus en plus complexe. En quittant Molesmes, Robert et ses compagnons mettent leur vie en cohérence avec une aspiration profonde, concrétisée dans leur engagement passé, mais restée jusque là sans effet. Ils accordent leur volonté avec la volonté de Dieu s'exprimant pour eux à travers la parole de Benoît. La Règle se révèle ainsi instrument de sanctification, c'est-à-dire qu'elle structure et ordonne leur vie selon cette volonté divine. L'observer, c'est s'orienter vers une grâce toujours offerte, s'y ouvrir sans cesse à nouveau. La rupture a été salutaire, au sens où elle a refait l'unité dans leur coeur et dans leur existence jusque là en porte à faux. Mais partir ne fait pas tout. Il ne s'agit pas de recommencer ailleurs mais de vivre autrement. Citeaux n'aurait été qu'un autre monastère, semblable à celui qu'ils avaient quitté, si leur vie n'avait pas pris là un nouveau cours qui fit de la fondation le Nouveau Monastère. La référence à la Règle de Saint Benoît est importante, essentielle, mais cette assise est inutile si elle ne sert à construire le présent et à préparer l'avenir. Il importe donc maintenant de regarder en avant et de se demander quel était le propos des nouveaux moines, le projet posé devant eux. On est frappé à cet égard par leur réalisme. A peine installés, ils prennent une série de mesures concrètes pour assurer la solidité de l'édifice et la permanence de leur entreprise. Ils commencent par rejeter tout ce qui s'oppose à la Règle : vêtements délicats et précieux, nourritures raffinées et riches, revenus abusifs, habits et mobilier liturgique luxueux, etc. Les divers renoncements se font dans la direction d'une grande simplicité extérieure, à l'image de la simplification, de l'unification intérieure qu'ils poursuivent en l'opérant. Ce mépris des richesses de ce monde n'est pas dénuement total. Il ne vise pas à mettre le moine dans une situation extrême où, réduit à la misère, il serait empêché d'accomplir son service, autrement mais tout autant que lorsqu'il vit dans l'abondance et l'oubli de Dieu. Il s'agit plutôt de se dégager de l'avoir superflu pour être moine en vérité, de se libérer de l'égoïsme du vieil homme pour revêtir le nouveau dans la joie. Ce dépouillement selon la Règle ouvre à la quête de l'unique nécessaire, à l'expérience du Dieu vivant. En même temps, les frères du Nouveau Monastère se demandent quelle organisation leur permettra de durer dans cette forme de vie conforme à la Règle de Saint Benoît. Leur inventivité montre, s'il en était besoin, que la lettre de la Règle n'a pas étouffé en eux l'esprit. S'ils refusent catégoriquement de percevoir des dîmes et autres bénéfices, selon les coutumes féodales en usage à Cluny, ils acceptent les biens nécessaires à leurs besoins essentiels. C'est par leur propre travail et celui de leur bétail qu'ils tireront leur subsistance des terres qui leur sont données. Mais, comme l'activité économique ne doit pas faire obstacle au service de Dieu, ils s'adjoignent des convers laïques qui les soutiendront dans les tâches matérielles. Bref, toute une organisation se met en place qui fait du monastère un lieu certes austère, mais en même temps dynamique et créateur. On voit par là qu'il n'y a pas d'idéologie cistercienne, mais une expérience de ce qui est capable ou non de promouvoir la réalisation d'un propos commun. Cela mène à une adaptation constructive de la Règle au concret, car la Règle est faite pour les moines, et non les moines pour la Règle. *** L'audace de la foi qui animait Robert et ses frères au départ de Molesmes a donc permis à quelque chose de nouveau de prendre corps entre référence et propos, et de se développer dans la longueur du temps . Cette audace s'est doublée d'un courage puisé dans l'espérance quand il s'est agit de tenir et de durer dans les épreuves. En effet, les moines voisins, et en particulier les frères restés à Molesmes, ne cessaient de les harceler et de les troubler, taxant de singularisme les exigences de leur propos. Ils allèrent jusqu'à recourir au pape et obtinrent de lui le retour à Molesmes de l'abbé Robert. Les moines du Nouveau Monastère persévérèrent vaillamment, et cela malgré l'absence de recrues pendant une quinzaine d'années. Les documents nous disent en effet que "tous ceux qui voyaient l'austérité de leur vie ou qui en entendaient parler, étaient plus pressés de s'éloigner que de s'approcher" (PE XVI,4). Tous ces éléments contraires ne purent empêcher leur projet de se déployer dans le double cadre du lieu et de la communauté. Considérons maintenant ces deux espaces qui constituent comme la largeur du Nouveau Monastère. Le lieu d'abord. Le légat Hugues s'adresse ainsi à Robert et à ses frères : "Vous, moines de Molesme, vous vous êtes présentés devant nous à Lyon et avez déclaré vouloir vous attacher désormais plus étroitement et plus parfaitement à la Règle du bienheureux Benoît ... Mais parce que, au lieu susdit, de nombreux empêchements rendent effectivement ce projet irréalisable, ... nous avons jugé utile que vous vous retiriez en un autre lieu, que la largesse divine vous indiquerait, et que vous y serviez le Seigneur de manière plus profitable et plus tranquille" (P.E. II, 3-4). L'exemple des fondateurs de Citeaux montre qu'il est des lieux où observer la Règle est difficile et d'autres "plus propices au genre de vie monastique tel qu'ils en avaient conçu l'idée" (P.E. III,4). La Règle attache le moine à un lieu précis par le voeu de stabilité et dès lors le monastère est le lieu où va se concrétiser ce qu'il a promis au jour de sa profession. Mais le moine n'est pas un pur esprit et, selon le lieu où il se trouve, il lui sera plus ou moins aisé d'être fidèle à ses engagements. Quelles sont les caractéristiques du lieu où s'établirent les nouveaux moines. Les textes nous disent que, "à cause de l'écran formé à cette époque par les bois et les fourrés d'épines, l'endroit n'était pas fréquenté par les hommes et n'était habité que par les bêtes sauvages" (P.E.III,3). Cîteaux est une solitude, un désert, et les frères sont appelés "ceux qui aiment la solitude" : là ils demeurent en paix et trouvent le repos. Pour garantir cette paix monastique, Albéric, successeur de Robert à la tête de la communauté, demandera et obtiendra une protection toute spéciale du Siège Apostolique ; et, sous l'abbatiat d'Etienne, "le Seigneur de la contrée et autres princes se verront interdire de tenir encore leur cour au monastère comme ils avaient coutume de le faire auparavant lors de solennités" (XVII, 4). Ceci ne veut pas dire qu'on choisit une vie bien tranquille, une solution de facilité, en venant à Citeaux. Il n'est pas évident de durer jour après jour au désert et certains ne le supportent pas : ils retourneront à Molesmes, monastère qualifié de plus large. Les moines du nouveau monastère veulent au contraire mener une vie plus stricte et plus retirée car, "plus ils seront affranchis de l'agitation du monde et de ses délices, plus ils aspireront à plaire à Dieu de toutes les forces de leur esprit et de leur âme" (P.E. XIV, 5). Ceci montre bien que la paix monastique ne vient pas sans un combat. Les frères forment une "milice spirituelle". Dans la solitude ils cherchent à se rendre étrangers aux actions du monde, non seulement dans leurs agissements mais, plus profondément encore, dans leur coeur. Il s'agit d'oeuvrer pour une libération à la fois extérieure et intérieure et la vie dans un lieu retiré permet et exprime la purification qui s'opère en eux. A l'inverse, pour tenir et durer au désert, le moine doit laisser son coeur se purifier de ce qui est étranger à sa vocation, se vider de tout ce qui n'est pas Dieu et s'ouvrir à Celui là seul qui peut le combler. Alors il devient ce que son nom veut dire : monachus, du grec monos, signifie en effet celui qui est seul, solitaire, isolé, mais aussi celui qui est un seul, c'est-à-dire un, unifié. Séparé de tous, il devient un avec tous dans l'union à Dieu. Car la solitude de Citeaux n'est pas le vide de l'absence ; elle est l'espace pour une présence, celle de Dieu cherché avant tout. Là se trouve le lieu de la paix véritable. Cependant les frères de Citeaux ne sont pas des ermites. Le monastère est un lieu où l'on vit en communauté, en communion. Les frères sont unis dans un même désir de servir Dieu selon la Règle de Saint Benoît, et ce projet commun fait d'eux des compagnons. L'observance de la Règle les tient ensemble, elle les constitue en communauté. Lorsqu'ils étaient à Molesmes, l'infidélité à la Règle a conduit au contraire à un éclatement de la communauté. Il est dit dans le récit des origines de Citeaux que Dieu visite le lieu où l'observance monastique ne diminue pas, où le moine et la communauté s'unifient dans la quête de l'unique nécessaire. Par la suite, cette dimension de communion dans un même propos se concrétisera au niveau de l'Ordre dans le lien de charité qui unit les différents monastères. Plus profondément encore, la communauté monastique apparaît en tant qu'église, communauté chrétienne locale. D'emblée les premiers moines de Citeaux se situent en Eglise et cette insertion dans l'Eglise locale et universelle s'exprime dans les multiples recours à la hiérarchie, particulièrement dans les débuts de la fondation. Le légat Hugues souligne combien ce qui se passe à Citeaux intéresse "les progrès de notre Mère la sainte Eglise" (P.E.II,3) et cette dernière joue un rôle clé dans le déroulement des événements. Elle a, elle est l'autorité qui permet aux choses de se faire, accueillant et soutenant le projet des moines, respectant et protégeant le caractère spécifique de leur vocation. Si l'Eglise a joué un rôle déterminant aux origines de Citeaux, le rôle de Citeaux dans l'Eglise est aussi bien réel. L'activité de Saint Bernard en est sans doute l'illustration la plus connue, mais l'Ordre tout entier participe, effectivement, activement à la mission du Christ et de son Eglise, d'abord et avant tout par la vie contemplative de ses membres. *** Pour terminer, regardons la hauteur du Nouveau Monastère. Il s'élève sur un fondement solide : l'amour du Christ. Cet attachement d'amour au Seigneur Jésus conduit à une participation à son abaissement pour être élevé avec lui dans le royaume éternel. Le légat Hugues nomme les moines de Cîteaux "des pauvres du Christ" (P.E. XII,8). Nous avons déjà évoqué le dépouillement à la fois matériel et intérieur voulu et vécu par les fondateurs. La référence au Christ élève et approfondit la réflexion. Si le projet de Robert et de ses frères a été de servir Dieu selon la Règle de Saint Benoît, ce propos a une âme, un visage , celui du Christ. Les fondateurs de Citeaux ne sont ni des perfectionnistes, ni des fondamentalistes. La Règle n'est pas pour eux un absolu. C'est l'amour du Christ qui les presse. C'est le Christ qu'ils aiment dans cette Règle qui leur permet de le suivre, de vivre uni à lui, d'être conformés à lui . Amour dont la délicatesse profite du détail de l'observance pour mettre le coeur au large, car, à travers la lettre de la Règle, le moine s'ouvre à Celui qui lui offre, dans les mille et une petites choses de la vie quotidienne, de croître spirituellement, pour son bonheur. "A la suite de nos Pères, nous voyons dans la Règle de Saint Benoît l'interprétation concrète de l'Evangile pour nous" (déclaration du Chapitre Général de 1969 au sujet de la vie cistercienne). S'attacher à la Règle et la mettre effectivement en pratique équivaut donc à vivre l'Evangile, à se placer "sous le joug plein de douceur du Christ", comme le disent encore les documents primitifs (P.E. XVII) . L' austérité choisie par les premiers moines de Cîteaux serait restée inutile, stérile, si leur ascèse extérieure n'avait été en même temps le signe d'un dépouillement plus profond, intérieur, l'expression de la pauvreté d'un coeur dont l'unique richesse est l'amour du Christ En choisissant d'être pauvres avec le Christ pauvre, ils entrent en communion avec Celui qui s'est dépouillé jusqu'à la mort, prenant la condition de serviteur. Nous avons là l'expression de la dimension pascale du propos monastique. Leur pauvreté volontaire est gage de leur appartenance au Christ, bien plus, elle est celle du Christ. Ayant part à la kénose du Christ, ils espèrent avoir part aussi à sa résurrection. La route que les fondateurs prennent le 21 Mars 1098 n'est pas étrangère à celle du Christ en ce jour des Rameaux. Par le chemin de l'humilité et de l'obéissance qu'indique la Règle, elle les conduit vers Jérusalem, c'est à dire vers une participation à la Pâque du Sauveur. Démarche pascale, dans laquelle Saint Benoît, dont on célèbre également la fête ce jour là, les a précédés et les entraîne. La première pauvreté du moine, comme de tout homme, est d'être pécheur. Ceux qui viennent à Citeaux le savent. Ils ont des défauts contre lesquels il leur faut combattre courageusement, sans compter les tentations des esprits mauvais. Les documents primitifs parlent également de leur nuque orgueilleuse à placer sous le joug plein de douceur du Christ, du vieil homme à dépouiller pour revêtir le nouveau. Un jour, à Molesmes, certains moines ont pris conscience de s'être rendus coupables de parjure en ne gardant pas la Règle qu'ils avaient promis d'observer. Ils n'ont pas fui pour autant la présence de Dieu. Au contraire ils ont tout mis en oeuvre pour mieux le servir et dès lors n'ont plus cessé d'avancer. Comme ils savaient ne pas pouvoir y arriver seuls, ils se sont mis à l'école du Christ, qui, de riche qu'il était, s'est fait pauvre pour nous enrichir de sa pauvreté. Ils sont passés de la crainte à l'amour. Ils sont devenus les nouveaux soldats du Christ. Rassemblés par Lui en communauté, ils ont lutté avec Lui au désert contre la révolte du péché, assurés en Lui d'achever heureusement leur course. Parce qu'elle est ainsi ouverte à la présence du Christ, la vie simple des fondateurs de Citeaux ne les renferme pas sur eux mêmes. Au contraire, ils brûlent du désir de transmettre le trésor qu'ils ont trouvé et de le faire servir au salut d'un grand nombre. Et Dieu bénira leur entreprise, répondant à leur espérance et à leur prière. *** Pourquoi parler d'un événement distant de neuf siècles ? Pourquoi faire mémoire de la fondation de Citeaux, sinon parce que l'histoire se continue ici et ailleurs dans le monde, aujourd'hui et demain si Dieu le veut ? Paul Valéry écrivait que "la véritable tradition dans les grandes choses ce n'est point de refaire ce que les autres ont fait, mais de retrouver l'esprit qui a fait ces grandes choses et qui en ferait de tout autres en d'autres temps." Pour entrer dans la grâce de ce neuvième centenaire, il ne s'agit pas de reproduire ce que Robert et ses compagnons ont réalisé à une époque donnée, mais de continuer aujourd'hui l'ouvrage qu'ils ont commencé hier, non à l'identique, mais dans le même esprit. Les quelques réflexions qui précèdent ont voulu montrer ce qui fonde, construit et habite le projet cistercien initial. Le Père Edmond Mikkers l'a bien résumé dans l'article du Dictionnaire de Spiritualité qu'il a consacré à Robert de Molesmes. Il écrit à propos du Nouveau Monastère : "Cette expression (le Nouveau Monastère) indique la nouveauté du propos : l'établissement d'une observance très fidèle à la Règle de Saint Benoît dans le cadre d'une communauté de frères vivant dans la solitude, la pauvreté, la simplicité ... , tout cela étant inspiré par un amour intense du Christ." Neuf siècles après, nous, moines et moniales de notre temps, sommes provoqués à une évaluation de notre propre cheminement. Qu'en est-il de la référence fondatrice à la Règle de Saint Benoît et, par la Règle, à l' Evangile, dans notre vie quotidienne? Cette dernière est-elle en cohérence avec le propos cistercien d'une relation simple avec le Dieu simple ? Dans la solitude qui constitue chaque être humain, laissons-nous la présence du Christ construire entre nous une véritable fraternité ? La réponse n'est jamais assurée une fois pour toutes. En quittant Molesmes, nos fondateurs ont inauguré une voie de dépouillement qui dure encore. Si nous la laissons nous rejoindre et ressaisir nos vies, nous ne ferons certainement rien de bien extraordinaire, mais nous serons plus réceptifs à la nouveauté du message qu'ils continuent de nous adresser. Le Père Edmond Mikkers écrivait encore : "La réforme de Citeaux et son succès ne sont pas seulement une question d'observance ou d'organisation, mais bien d'un approfondissement, d'une recherche de vérité et d'authenticité dans les aspirations monastiques." Les frères du Nouveau Monastère ont inauguré une nouvelle ligne de conduite et il importe que leurs successeurs puissent se situer en continuité de vue et d'esprit avec eux. A un moment donné de l'histoire, ils ont changé de direction et le récit qu'ils en ont fait nous donne d'avoir part au renouvellement intérieur que cette modification extérieure exprimait et concrétisait. Leur message reste vivant dans l'Ordre de Citeaux et veut inviter chacun à commencer et à continuer sur leurs traces. Puissent ces chemins d'hier soutenir notre présent et ouvrir l'avenir. S. Christine Aptel |
||
Nous, premiers moines de Cîteaux, fondateurs de cette Eglise, par le présent écrit, nous faisons connaître à nos successeurs selon quelle conformité au droit, sous quelle grande autorité, avec quelles personnes et en quels temps prirent naissance leur monastère et le cours de leur vie, afin que, la vérité une fois bien mise en lumière sur cette question, ils s'attachent d'un amour plus ferme à ce lieu et à l'observance de la Règle sainte, - ce que nous avons pour le moins commencé de faire par la grâce de Dieu, - afin aussi qu'ils prient pour nous qui avons supporté sans faiblir le poids du jour et de la chaleur, qu'ils se dépensent jusqu'à leur dernier souflle dans la voie étroite et resserrée qu'indique la Règle, de sorte qu'après avoirdéposé le fardeau de la chair, ils goûtent le bonheur du repos éternel. (Petit Exorde) |
LE REGROUPEMENT | ||
BELVAL
LA GRACE-DIEU
IGNY - TRAVAUX
UBEXY
|
La nouvelle communauté de N.D. du Val d’Igny
En 2005, des abbés et abbesses du Nord-Est de la France se réunissent de façon informelle pour des échanges pastoraux. Assez vite émerge la question de l’avenir pour les communautés de moniales de cette région, qui partagent une diminution significative de leurs effectifs et de leurs forces suite au vieillissement de leurs membres et au manque de vocations. La réflexion s’intensifie au cours de l’année 2006, en lien désormais avec l’Abbé Général et son conseil, pour discerner dans quelle voie s’engager pour que la vie cistercienne continue de fleurir. Au terme d’une série de réunions et de plusieurs consultations, trois des communautés se déterminent, à la Pentecôte 2007, en faveur de leur union : il s’agit de Belval dans le Pas de Calais, de La Grâce-Dieu dans le Doubs et d’Igny dans la Marne. Approuvée par le chapitre général, la nouvelle communauté de N.D. du Val d’Igny est reconnue par Rome le 8 décembre 2008. Mère Inès Gravier, ancienne abbesse de El Encuentro au Mexique et alors supérieure ad nutum de ND de Belval, est nommée administratrice apostolique. A Igny, lieu du regroupement, des travaux sont entrepris en 2009 pour accueillir 65 moniales. Pendant les travaux, qui vont durer plus de trois ans, la plupart des soeurs quittent le monastère et vont vivre à l'abbaye de Belval, à celle de la Grâce-Dieu, celle de La Coudre-Laval ou celle de Blauvac. Les soeurs trop âgées ou dépendantes sont accueillies dans les maisons de retraite religieuses du département. Un petit groupe composé de soeurs des trois monastères reste à Igny sous la responsabilité de Mère Inès pour y assurer la prière, garder les lieux et continuer la fabrication du chocolat. Le chantier a notamment concerné les bâtiments de l'accueil, avec la mise aux normes de l'installation sanitaire et l'amènagement d'une grande bibliothèque, mais aussi et surtout les lieux d'habitation des moniales. Une Petit Unité de Vie de 24 chambres, dont 6 dans l'extension construite sur la droite de l'abbaye, est aménagée pour permettre aux sœurs anciennes de demeurer dans un cadre monastique tout en bénéficiant des soins médicaux nécessaires. Cette P.U.V comprend également une salle à manger et une salle de lecture. L'église a, elle aussi, subi quelques aménagements avec l'installation d'un chauffage au sol, l'amélioration de l'acoustique, la réorganisation de l'espace liturgique, ainsi qu'un accès pour les personnes handicapées. La bénédiction du nouvel autel, le 15 avril 2012, signe l'aboutissement de tous ces efforts d'adaptation et permet aux chrétiens du voisinage de découvrir le visage de la nouvelle communauté revenue sur place à partir d'octobre 2011. En 2010 la communauté cistercienne d’Ubexy dans les Vosges demande à se joindre aux sœurs du Val d’Igny. Ce projet, ratifié par le chapitre général de septembre 2011, puis par Rome dès le mois suivant, se concrétise en août 2012 par l'arrivée des soeurs. A noter que les communautés de Belval, Igny et Ubexy sont toutes trois filles de La Coudre-Laval en Mayenne (elles ont été fondées respectivement en 1893, 1929 et 1841). Les soeurs de la Grâce-Dieu sont les héritières de la communauté de Port-Royal de Paris, laquelle, après une renaissance à Besançon en 1840, s’installe en 1927 à la Grâce-Dieu, ancien monastère cistercien fondé, comme Igny, par des moines au douzième siècle. A noter encore le rayonnement de nos communautés d'origine : Ubexy a fondé au Japon en 1898 et au Mexique en 1971 ; Igny a fondé au Zaire (auj. RDC) en 1955. Le point d'orgue de ce regroupement a lieu le 13 mai 2014 avec l'élection de Mère Isabelle Valez comme première abbesse de la nouvelle communauté de Notre-Dame du Val d'Igny. Sa bénédiction abbatiale, le samedi 5 juillet 2014, par Mgr Jordan, archevêque de Reims, en présence de Dom Jean-Marc Thévenet, abbé d'Acey et Père Immédiat, rassemble de nombreux frères et soeurs moines et moniales, des prêtres et des religieuses du diocèse, des amis de partout (voir) Pour les soeurs maintenant réunies au Val d'Igny, le vivre ensemble se construit au fil des jours dans la liturgie et le travail partagés. Les plus jeunes et les soeurs âgées encore valides collaborent à la bonne marche de la maison, selon leurs talents et leurs forces, unies dans une même quête du visage de Dieu qui les a rassemblées en ce lieu. |