GERTRUDE D'HELFTA |
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"La joie de ta présence salutaire"
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Malgré les égarements de mon esprit et tant de plaisirs trompeurs qui me retenaient, quand, après des heures et hélas ! après des jours, et comme, ô douleur, je le crains, après des semaines, je revenais à mon coeur, toujours je t'y ai trouvé, de sorte que je ne pourrai jamais alléguer que tu te sois éloigné de moi, même l'espace d'un clin d'oeil, depuis cette fameuse heure jusqu'à présent, ce qui fait déjà neuf ans, excepté une fois, durant onze jours, avant la fête du bienheureux Jean Baptiste : cela arriva, me semble-t'il, suite à une certaine conversation mondaine, un jeudi, et dura jusqu'au lundi, qui se trouvait être alors la vigile de saint Jean Baptiste, pendant la messe qui débutait justement par "Ne crains pas, Zacharie". Ta douce humilité et la merveilleuse bonté de ton exraordinaire charité, virent que j'avais à ce point perdu le sens que je ne prêtais aucune attention à la perte d'un tel trésor ; je ne me rappelle pas en effet en avoir éprouvé de la douleur, ou au moins quelque petit désir de le retrouver ; c'est pourquoi je me demande maintenant avec étonnement quelle folie avait suspendu mon intelligence, à moins peut être que tu ne m'aies donné là d'expérimenter en moi-même ce que dit Bernard : "Quand nous fuyons, tu nous poursuis ; nous tournons le dos et tu reviens en face ; tu supplies, mais nous détournons les yeux ; pourtant aucun désordre, aucun mépris ne peut absolument pas te détourner de t'occuper sans cesse ni te lasser de nous attirer vers cette joie que l'oeil n'a pas vu, ni l'oreille entendu, qui n'est pas montée au coeur de l'homme". Et de même qu'au commencement ce fut sans mérite de ma part, alors, parce que retomber est pire que tomber, ce fut malgré un démérite sans bornes que tu as daigné me rendre la joie de ta présence salutaire qui dure jusqu'à cette heure. Pour tout cela, louange te soit rendue, et cette action de grâces qui, procédant avec douceur de l'amour incréé et dépassant toute créature, reflue en toi-même. Gertrude d'Helfta - Le Hérault L.II, ch.III, 3 |
GERTRUDE D'HELFTA (1256 - 1301/2)
On ne sait rien de la famille et du lieu de naissance de Gertrude. Elle fut confiée, dès l'âge de cinq ans, au monastère d'Helfta en Saxe. Vivant sous la Règle de saint Benoît, la communauté était entrée dans le renouveau spirituel du temps en adoptant les coutumes de Cîteaux.
Gertrude reçut, sous la direction de Mechtilde de Hackeborn, soeur de l'abbesse, une solide formation humaine et théologique.
Favorisée, à partir de sa vingt-cinquième année, de grâces mystiques, elle s'est attachée par ses écrits (Le Hérault de l'amour divin et les Exercices spirituels) à éveiller dans les âmes le désir d'une union à Dieu de plus en plus parfaite. |