GEOFFROY D'AUXERRE |
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"Joie, vraiment"
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Ne possède-t'il pas tout, celui pour qui tout coopère au bien ? Ou bien, n'a t'il pas le centuple de tout, celui qui est rempli du saint Esprit, qui a le Christ en son coeur ? A moins que l'assistance de l'Esprit et la présence du Christ ne soient beaucoup plus que le centuple ! Quelle est grande, dit le psaume, l'abondance de ta douceur, Seigneur, que tu as cachée pour ceux qui te craignent, que tu as parfaite pour ceux qui espèrent en toi. Vois comment le souvenir de l'abondance de cette suavité jaillit de l'âme sainte, comment, brûlant de l'exprimer, elle multiplie les mots. Quelle est grande, dit elle, l'abondance ! Ce centuple est donc l'adoption filiale, la liberté et les prémices de l'Esprit, les délices de la charité, la gloire de la conscience, le royaume de Dieu au dedans de nous ; non pas en tout cas nourriture ou boisson, mais justice et paix et joie dans l'Esprit saint. Joie, vraiment, non seulement dans l'espérance de la gloire, mais même dans les tribulations. C'est le feu que le Christ a voulu voir intensément attisé. C'est la force venue d'en haut qui a fait qu'André a embrassé la croix, que Laurent s'est ri du bourreau, qu'Etienne, au moment de mourir, a fléchi les genoux, priant pour ceux qui le lapidaient. C'est cette paix que le Christ a laissée aux siens, quand il leur a donné aussi la sienne. Oui, vraiment, pour les élus de Dieu, il y a à la fois et le don et la paix : la paix présente, quoiqu'il en soit, et le don de celle à venir. La seconde surpasse tout ce qu'on peut concevoir, mais aussi, rien de ce qui plaît sous le soleil, rien de ce qui est convoité dans le monde, ne peut être comparé à la première. Elle est la grâce de la dévotion et l'onction qui instruit de toutes choses. Qui en a fait l'expérience la connaît, celui qui ne l'a pas faite l'ignore ; personne ne la connaît, sinon celui qui la reçoit. Geoffroy d'Auxerre - Entretien de Simon-Pierre avec Jésus, ch.58 |
GEOFFROY D'AUXERRE (12ème siècle)
Né à Auxerre, Geoffroy se trouvait à Paris en 1140 lorsque Bernard s'adressa aux clercs de la ville et il le suivit à Clairvaux avec une vingtaine de compagnons. A partir de 1145 il fut secrétaire de son abbé et l'accompagna dans ses voyages. Par la suite, il devint successivement abbé d'Igny (en 1157), de Fossa Nova (en 1170) et de Hautecombe (en 1186). On ignore la date de sa mort, mais il vivait encore en 1200.
Ses nombreux écrits (oeuvres historiques, théologiques, commentaires scripturaires, sermons) sont précieux pour ce qu'ils nous apprennent sur saint Bernard et sur la vie des premiers cisterciens. |