LES AUTEURS CISTERCIENS PARLENT DE LA MISERICORDE | ||
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" Jésus-Christ est le visage de la miséricorde du Père."
Le pardon de Dieu pour nos péchés n’a pas de limite. Dans la mort et la résurrection de Jésus-Christ, Dieu rend manifeste cet amour qui va jusqu’à détruire le péché des hommes. Il est possible de se laisser réconcilier avec Dieu à travers le mystère pascal et la médiation de l’Eglise. Dieu est toujours prêt au pardon et ne se lasse jamais de l’offrir de façon toujours nouvelle et inattendue. Pape François - Misericordiae vultus n°22
Dessins de Eloy Roy 1 - "Et ils le tuèrent" (Mt 28,4) 2 - "Lazare, le mendiant, pourrit à la porte du riche" (Luc16,19-31) |
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JEAN DE FORD abbé cistercien du XIIème siècle Nous ne pouvons ignorer les entrailles de miséricorde de notre Dieu, pas plus que nous ne devons oublier qu’en elles le Christ, Soleil levant, d’en haut nous a visités et ne cesse de le faire. Qu’elles sont donc nombreuses, et vastes, et incompréhensibles ! Comment imaginer, dans l’ordre de la nature déjà, quelque chose de plus riche d’affection que les entrailles d’un père ou d’une mère? Mais Dieu, lui, s’avère vraiment riche de telles entrailles en nous étreignant de cette double affection : à titre de père, il nous reforme à son image et à sa ressemblance, et à titre de mère, il nous porte dans ses entrailles et nous met au monde dans la douleur ... Le Seigneur mon Dieu, en recevant en lui-même l’un et l’autre de ces deux sentiments, m’a engendré à la sainteté et à l’immortalité. Ecoute ce qu’est une mère brûlant d’amour pour ses enfants : « Une mère peut-elle oublier son petit enfant et manquer ainsi de compassion pour le fils de son sein ? Or, même si elle l’avait oublié, moi, ton Dieu, du moins je ne t’oublierai pas ». Sermon sur le Cantique 28 n°2
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GUILLAUME DE SAINT THIERRY |
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"Les vrais vivants"
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Seigneur, mon coeur est impatient de toi, je cherche ton visage, je recherche ta face ; au nom de ce que tu es, ne la détourne pas de moi à jamais. Je le sais, en effet, j'en suis certain, ceux qui marchent à la lumière de ton visage ne trébuchent pas, ils marchent en toute sécurité, eux dont le jugement émane tout entier de la lumière de ton visage. Voilà les vrais vivants, parce ce qu'ils vivent selon ce qu'ils lisent et comprennent sur l'exemplaire de ton visage. Seigneur, je n'ose pas te regarder en face de crainte d'une plus grande stupeur. Je me tiens donc devant toi comme un pauvre, mendiant et aveugle ; ainsi tu me vois et je ne te vois pas, moi qui ai le coeur tout gonflé du désir de toi, et je m'offre à toi tout entier, avec tout ce que je suis, tout ce que je peux, tout ce que je sais, et même ce fait de languir après toi et de défaillir, je te le donne. Mais où te trouver, je ne le trouve pas ! Où es-tu, Seigneur, où es- tu ? Et surtout, Seigneur, où n'es-tu pas ? Je le sais assurément, j'en suis certain absolument, tu es avec moi, ici, à cet instant, toi en qui nous avons le mouvement et l'être, et dont la très salutaire présence fait brûler et défaillir mon âme en ton salut. Je le sais en toute certitude, en toute vérité, j'en fais l'expérience pour mon plus grand bien : tu es avec moi. Je sais et je sens, j'adore et je rends grâce, mais pourquoi, alors que tu es avec moi, ne suis-je pas, moi, avec toi ? Qu'est-ce qui fait obstacle, qui empêche, qui s'oppose ? Si tu es avec moi, me faisant du bien, pourquoi, moi, ne suis-je pas avec toi, jouissant de toi, le bien de tous mes biens ? Guillaume de Saint-Thierry - Oraison méditée II, 3-4 |
GUILLAUME DE ST THIERRY (vers 1070/80 - 1148)
Né à Liège, il vint en France pour étudier. Entré chez les bénédictins de Saint Nicaise à Reims, il devint, en 1121, abbé de Saint-Thierry, monastère proche de cette ville. Il se lia d'amitié avec Bernard de Clairvaux et, malgré les réticences de ce dernier, réussit à entrer à Signy, dans les Ardennes, une fondation d'Igny, monastère lui-même fondé par Clairvaux. Ses oeuvres, telles les Oraisons méditées ou la Lettre aux frères du Mont-Dieu, révélent un vrai moine. La richesse de sa doctrine apparaît dans son Miroir de la foi ou encore dans la Contemplation de Dieu. |
LES AUTEURS CISTERCIENS PARLENT DE LA MISERICORDE | ||
" Jésus-Christ est le visage de la miséricorde du Père."
Les pages de l’Ancien Testament sont imprégnées de miséricorde, puisqu’elles racontent les œuvres accomplies par le Seigneur en faveur de son peuple dans les moments les plus difficiles de son histoire. L’Islam de son côté, attribue au Créateur les qualificatifs de Miséricordieux et Clément … Que cette Année Jubilaire, vécue dans la miséricorde, favorise la rencontre avec ces religions et les autres nobles traditions religieuses. Qu’elle nous rende plus ouverts au dialogue pour mieux nous connaître et nous comprendre. Qu’elle chasse toute forme de fermeture et de mépris. Qu’elle repousse toute forme de violence et de discrimination. Pape François - Misericordiae vultus n°23
Dessins de Eloy Roy 1 - "Et ils le tuèrent" (Mt 28,4) 2 - "Lazare, le mendiant, pourrit à la porte du riche" (Luc16,19-31) |
GALAND DE REIGNY moine cistercien du XIIème siècle Miséricorde et vérité sont venues l’une au-devant de l’autre, justice et paix se sont embrassées … Miséricorde et justice montent donc d’en bas vers les hauteurs, car ceux qui les possèdent vraiment vont à Dieu. Et c’est à juste titre qu’on dit : « elles montent », et non : elles descendent. Vraies et droites, en effet, miséricorde et justice recherchent les choses d’en-haut, non celles de la terre. Le Seigneur enjoint à notre justice et à notre miséricorde d’ignorer la voie descendante lorsqu’il dit : « Gardez-vous d’accomplir vos actions justes devant les hommes » ; et encore, à propos des œuvres de miséricorde : « Que ta gauche ignore ce que fait ta droite » Quand paix et vérité accourent au-devant d’elles, on doit comprendre au contraire qu’elles descendent et non qu’elles montent. D’une part, il n’y aura plus lieu de peiner et de gémir mais plutôt de se reposer et de se réjouir, lorsque les miséricordieux et justes, après avoir parcouru la voie laborieuse et difficile de la vie présente, recevront en récompense la paix éternelle, et que s’accomplira la vérité des promesses divines. D’autre part, c’est grâce à la bonté condescendante de Dieu que seront sauvés tous les élus.
Parabole 2 n°2
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AMEDEE DE LAUSANNE | ||
"Il est là, celui en qui nous espérons"
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Que va signifier pour nous de progresser jusqu'à ces saints mystères de Dieu ? Dans quelle ligne poursuivrons nous le chemin commencé ? Voici qu'en même temps un épais brouillard et une nuée des plus éclatantes entravent notre marche. L'eau que saint Ezéchiel vit sortir du Temple, recouvrant non seulement talons et genoux, mais reins et cou, nous submerge afin que nous ne puissions pas traverser. Pourtant il est là, celui en qui nous espérons, en qui, depuis la prime jeunesse, nous avons été formés à mettre notre confiance, qui fait s'épancher nos âmes et nous élève au-dessus de nous-mêmes, rendant nos pieds comme ceux des cerfs pour nous emmener sur nos hauteurs, dressant pour nous un observatoire sur la montagne, en compagnie de Moïse et Elie, afin que nous puissions contempler à visage découvert ce que nous cherchons. Il nous sera montré que là est le bien, là nous serons instruits plus pleinement de la vision du Seigneur. Que si nous voulons nous approcher de cette obscurité dans laquelle il demeure, une fois entrés au sein de la nuée, terrifiés aussi par la grandeur de cette immensité, nous ne résisterons pas, nous nous retrouverons comme réduits à rien. Dieu en effet habite une lumière inaccessible, son éclat consume les chairs comme paille, sa face, personne ne peut la voir et vivre, son immensité, les anges eux-mêmes sont incapables de la scruter, de lui, aucune puissance n'approche, si ce n'est celle qui est unie au Verbe dans une unité de personne. Ainsi rendons gloire à Dieu, et tombant sur nos visages, adorons de loin les traces de la Trinité, croyant de coeur et confessant de bouche, parce que tout ce que nous percevrons ou dirons de lui, est au-dessous de lui. Amédée de Lausanne - Homélie III |
AMEDEE DE LAUSANNE (1110-1159)
Entré avec son père, Amédée de Clermont, seigneur de Hauterive (Drôme), à l'abbaye cistercienne de Bonnevaux alors qu'il n'avait pas encore dix ans, il fut bientôt confié par celui-ci à son parent Conrad, futur empereur d'Allemagne, afin qu'il pourvoit à ses études. N'ayant point de goût pour le métier des armes, le jeune homme quitta la cour en 1125 et vint se faire moine à Clairvaux. En 1139 il est élu abbé de Hautecombe en Savoie, puis, en 1144, consacré évêque de Lausanne. Nous avons de lui huit homélies en l'honneur de la Vierge Marie et une lettre à ses fils spirituels de l'église de Lausanne. |
BEATRICE DE NAZARETH | ||
"Tel un poisson qui nage"
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Ainsi en est-il de l'âme qui est amour : l'amour déploie en elle sa souveraineté et sa puissance, qu'elle agisse ou se repose, qu'elle entreprenne quelque chose ou s'abstienne, à l'extérieur comme à l'intérieur d'elle-même, au gré de sa volonté. Tel un poisson qui nage dans un large fleuve ou se repose dans ses profondeurs, tel un oiseau qui vole hardiment vers les hauteurs du ciel, son esprit va et vient librement dans les hauteurs, dans les profondeurs et dans l'abondance des délices de l'amour. La puissance de l'amour a saisi cette âme : il la conduit, la garde et la protège, lui conférant prudence et sagesse, douceur et force de la charité. Cette puissance pourtant, l'amour l'a tenue cachée jusqu'au moment où, par une ascension nouvelle, l'âme est devenue maîtresse d'elle-même, en sorte que l'amour domine en elle sans partage. Il la rend alors si hardie qu'elle ne craint ni homme ni démon, ni ange ni saint, ni Dieu même, en ce qu'elle fait ou ne fait point, dans son mouvement ou son repos. Elle perçoit bien d'ailleurs que l'amour est en elle aussi éveillé et actif quand son corps est en repos que lorsque les labeurs se multiplient. Elle sait et sent que ni le travail ni la souffrance n'importent à l'amour une fois qu'il règne dans l'âme. Mais qui désire parvenir ainsi jusqu'à lui doit le chercher avec crainte et le suivre avec foi, s'y exercer avec ardeur et ne s'épargner ni effort ni peine, en supportant patiemment la gêne et le mépris. De telles âmes doivent tenir pour grandes les plus petites choses, jusqu'à ce que l'amour victorieux agisse en elles souverainement et rende petites les grandes choses, faciles tout labeur, douce toute peine, nulle toute dette. Tout ceci est liberté de la conscience, douceur du coeur, sagesse des sens, noblesse de l'âme, élèvation de l'esprit et commencement de la vie éternelle. C'est, déjà dans cette chair, une vie angélique, dont l'autre vie sera la suite. Daigne Dieu l'accorder à tous ! Béatrice de Nazareth - Les sept degrés de l'amour de Dieu, VI |
BEATRICE DE NAZARETH (vers 1200 - 1268)
Née à Tirlemont, elle fut placée toute jeune, d'abord chez les béguines, puis chez les cisterciennes. Sa vie monastique se déroula successivement dans les trois monastères que son père avait fondés, le dernier étant N.-D. de Nazareth, près de Lierre, dont elle devint prieure. Ses expériences spirituelles et ses écrits nous sont connus par les résumés qu'en a fait son biographe. Un seul petit traité a été jusqu'à présent retrouvé : "Les sept degrés de l'amour de Dieu". Elle y décrit l'ascension de l'âme dans l'amour vers l'union à Dieu. |