PARTAGER LA PAROLE |
|||||
« Quiconque a mis la main à la charrue et regarde en arrière ne convient pas pour le royaume de Dieu. » (Luc, 9, 62) Lorsque j’ai lu le dimanche 30 janvier 2015 que le pape François exhortait les fidèles à ne jamais oublier leur baptême, à justement rester fidèle au premier jour de la rencontre avec Jésus, à leur premier amour : j’ai pensé que c’était aussi à moi que le pape parlait. Comment ne pas devenir tiède ? La tiédeur est un risque. Les tièdes sont ceux qui ont perdu la mémoire. Ils oublient la parole, ils oublient la première rencontre, et mettent peu en pratique les enseignements de Jésus. Ils ont perdu l’espérance. C’est dans l’engagement quotidien pour mon prochain que j’affirme ma foi, mon espérance. Que mon oui, soit un vrai oui ! Il y a très longtemps, j’ai pris conscience, encore adolescent, en lisant Luc 9, 57-62 que la Parole n’est pas une eau tiède qui coule, mais une eau vive qui me donne et me donnera toujours la force de poursuivre sur les chemins difficiles du monde. Il suffit toujours de reprendre une lecture pour retrouver la force suffisante qui me permettra de continuer. Ainsi au-delà de la première rencontre, qui fut comme un coup de foudre, au-delà du baptême, le baptisé que je suis est ardent fidèle à la première rencontre, à son engagement fondé sur l’amour. Comme le fidèle, je dois être sans oubli. Mais cela pour moi reste chaque jour à construire comme on construit un pont. C’est le fidèle qui se souvient, et non pas Dieu qui se souvient de lui. Comment Dieu pourrait-il l’oublier ? François (54) |
|||
PARTAGER LA PAROLE |
|||||
" Je suis le chemin, la vérité, la vie " (Jn 14,6) Depuis très longtemps, une phrase de St Jean m’habite parce qu’au début, elle m’intriguait, je ne comprenais pas ce qu’elle voulait dire. Elle était tellement concentrée en un raccourci saisissant que je n’y voyais pas toute la richesse de la parole de Jésus : « Je suis le chemin, la vérité, la vie » (Jn 14, 6). J’ai donc longuement étudié ce verset, en particulier lors de mes études théologiques et j’y découvre encore aujourd’hui beaucoup de plaisir à la ruminer. Elle continue à me faire avancer et à tenir bon dans les moments difficiles de doute, de non-amour, de violence et de souffrance. J’aime beaucoup marcher et le chemin est ce qui me permet d’aller, sans le Christ je tombe dans une impasse, une voie sans issue qui ne mène à rien. Sans la vérité, je ne peux connaître, je vis dans l’illusion, l’imaginaire, le faux semblant, l’hypocrisie. Le Christ m’apporte la vérité qui « me rend libre », me fait connaître la réalité de Dieu le Père qui est Amour. Il est la Révélation de Dieu dans le monde. Sans vie, je ne peux vivre, dirait La Palice. Sans le Christ, je ne peux vivre, ma vie n’a pas de sens, ma vie n’a aucun but. En Jésus est la vie et lui seul peut m’apporter la plénitude de la Vie, c’est-à-dire la vie qui ne finit pas, la vie éternelle. De ce verset, transparaît l’amour qui se trouve aussi bien sur le chemin, que dans la vérité, que dans la vie. Ce verset m’aide aussi à prier, pour tous les guides qui nous mènent sur le chemin de la paix, les gouvernants, les politiques, sur le chemin de la justice, les juges, les procureurs, les avocats, sur le chemin de la vie, les médecins, les infirmiers, les religieux. En tant que moniale, j’essaie de vivre cet amour qui m’est donné dans la Parole de Dieu, sa lecture n’est-elle pas le chemin, sa méditation et l’oraison la vérité et sa contemplation la vie ? Sœur Joëlle |
|||
PARTAGER LA PAROLE |
|||||
« Choisis donc la vie ! » (Dt 30,19) J’ai cru un temps, au début de ma vie monastique, que l’obéissance, c’est ne pas choisir : prendre ce qui m’est donné, prendre la part qui vient, ne pas choisir pour ne pas suivre ma volonté propre. J’ai découvert peu à peu que contrairement à ce que je pensais il n’y a pas deux voies : ou bien je fais ce que je dois, ou bien je fais ce que j’ai envie (et heureusement tout de même, parfois les deux concordent !), mais trois. Il y a la voie de l’obligation (je dois, je n’ai pas le choix), celle des émotions (envies, honte, peurs, colère…), et une troisième : celle de la décision, de la vraie liberté, de l’amour. En fait, les deux premières ne sont pas vraiment des « voies », plutôt des impasses ; pas sûr non plus qu’elles soient deux : bien souvent elles se renvoient l’une sur l’autre, en cercle mortifère. La seule vraie voie, celle sur laquelle on peut avancer, et qui rend heureux, c’est la troisième ; mais elle est plus difficile à trouver. Les deux premières s’imposent à moi, me tirent (en tous sens !) mais la troisième, c’est à moi de la trouver, de l’inventer, d’y avancer. Quand j’ai commencé à comprendre tout ça, c’est la parole du Deutéronome : « Choisis donc la vie ! » qui m’est venue à l’esprit pour résumer cette découverte. Oui, Dieu m’appelle à choisir, à choisir la vie : à ne pas me laisser balloter au gré des émotions ; à ne pas non plus me laisser enfermer dans le fatalisme des obligations supposées et/ou subies, ni dans les cadres de principes absolutisés, ni dans l’horizon étroit de mes petites idées ou projets. « Choisis donc la vie ! » C’est un appel à engager mon énergie, mon imagination, mon intelligence, ma sensibilité dans la vie ici et maintenant, à répondre aux sollicitations des évènements, des personnes, de la Parole de Dieu ; un appel à aimer. C’est choisir la pomme qui est au menu aujourd’hui (balayer les « bien obligé, il n’y a rien d’autre » ou « j’aurais préféré une orange »), goûter selon sa variété, sa couleur, sa forme, son odeur, sa saveur, et peut-être choisir de la déguster en cubes dans la salade d’endives… C’est aussi, quand le moral baisse, quand je commence à ruminer mes contrariétés, reconnaître les fardeaux d’émotions et d’obligations qui me font tourner en rond, et prendre de la hauteur pour rechercher la troisième voie. C’est revenir à ma liberté, à mon désir profond, au sens (orientation et signification) que je veux donner à ma vie, c’est faire les choix et les renoncements nécessaires pour me remettre en route, pour ouvrir grande ma vie aux autres, à Dieu, et avancer joyeuse. Soeur Anne-Joseph |
|||
PARTAGER LA PAROLE |
|||||
« Vanité des vanités, disait Qohèleth. Vanité des vanités, tout est vanité ! » (Qo I,2) « Vanité des vanités, tout est vanité », dit Qohèleth. N’allons même pas comprendre que tout ne serait qu’orgueil ou satisfaction de soi. La réalité est autrement plus banale aux yeux du sage : tout est littéralement « buée » ou « vapeur ». Tu travailles pour amasser des biens, te voilà riche ; et soudain tu meurs et tu retournes à la poussière. Ta vie est comme une buée sur la vitre de la fenêtre et dans ce cas tu peux même te considérer comme un bienheureux car ta vie peut aussi être un cauchemar. Quelle récompense l’homme tire-t-il de toute la peine qu’il prend ? Rien de nouveau sous le soleil : hier comme aujourd’hui, les héritiers sont à l’affût ; ils s’entredéchirent sans se rendre compte que c’est pour du vent : « Maître, dis à mon frère de partager avec moi notre héritage ! » Pour survivre, faut-il vivre désabusé, comme semble l’être Qohélet, ce sage de la Bible ? Et donc profiter de l’instant présent sans trop spéculer sur l’avenir ? Carpe diem, disaient aussi les Epicuriens. Un peu comme cet homme que l’évangile d’aujourd’hui vient d’appeler un insensé parce qu’il se dit en lui-même : « Repose-toi, mange, bois, jouis de l’existence ». Comprenons bien ! Si cet homme est traité de fou, ce n’est pas parce qu’il aspire à se reposer, à boire et à manger. Ce sont là des activités humaines tout à fait normales, que Jésus lui-même n’a pas méprisées. Si cet homme est insensé, c’est parce qu’il ne cherche qu’à jouir de la vie sans voir plus loin que le bout de son nez. « Regardez les lys des champs », dit Jésus qui est lui aussi un sage. Comprenons : « Captez l’instant présent non pas en jouissant de cet instant pour lui-même mais en saisissant le poids de grâce qu’il vous offre ! » A l’absurdité d’une sagesse qui ne serait qu’humaine, Jésus oppose la grâce de Dieu. C’est cette grâce qui nous enveloppe à chaque instant depuis que, par notre baptême dans la mort et la Résurrection du Christ, nous avons revêtu l’homme nouveau. « Vanité des vanités » mais aussi « grâce des grâces » car tout instant vaut son poids d’éternité. La vie de celui qui ne profite que du moment présent est fondamentalement la même que celle de celui qui vit dans l’espérance. La différence ne dépend que du sens que l’on donne à la vie humaine : tout est absurde ou tout est plénitude de grâce. Nous qui sommes les disciples du Christ, nous avons décidé de vivre dans l’espérance et de nous laisser façonner par la grâce. Chaque matin, « un jour nouveau commence » et, dans la foi, il est illuminé par la Résurrection du Christ. Chaque soir, la nuit qui vient nous rappelle que notre vie est cachée en Christ. L’opposé de l’absurdité, c’est la grâce de Dieu. A vue humaine, il est bien vrai que tout n’est que vent et fumée. A vue divine, nous sommes ressuscités avec le Christ et c’est la raison pour laquelle l’Apôtre Paul nous invite à « rechercher les réalités d’en haut ». Non pas en nous évadant de ce monde puisque chaque instant vaut son poids d’éternité mais en vivant selon la grâce : c’est dans la banalité du quotidien que nous sommes les disciples du Christ mort et Ressuscité, qui nous appelle à vivre avec lui. La vraie valeur d’une vie ne se mesure pas aux richesses accumulées et entassées, puisqu’un jour il faudra bien les laisser. Nous n’avons le droit d’être riches qu’en vue de Dieu, c’est-à-dire en nous ouvrant aux autres qui nous sont donnés comme des frères et des sœurs à aimer et en nous ouvrant à l’Autre, c’est-à-dire à Dieu de qui nous fait entrer dans la vie éternelle. Apprenons à devenir des pauvres en esprit, c’est-à-dire des riches en vue de Dieu. Père Jean-François Baudoz (Homélie pour le 18ème dimanche ordinaire C) |
|||
PARTAGER LA PAROLE |
|||||
« Alors, le royaume des Cieux sera comparable à dix jeunes filles invitées à des noces, qui prirent leur lampe pour sortir à la rencontre de l’époux » (Mt 25,1) Au commencement de l’histoire, il y a dix jeunes filles que rien ne distingue les unes des autres. Toutes sont invitées aux mêmes noces et toutes prennent leur lampe pour sortir à la rencontre de l’époux. Sans que nous en connaissions la raison, l’époux tarde à venir. Toutes s’endorment, les prévoyantes aussi bien que les insensées. Jusque-là, les dix jeunes filles vivent dans une égalité que rien ne semble devoir détruire. Mais le cri qui retentit au milieu de la nuit va bouleverser ce bel équilibre : « Voici l’époux ! Sortez à sa rencontre ! » Une séparation va s’opérer entre les prévoyantes qui avaient emporté avec elles des flacons d’huile et les insouciantes qui n’en avaient pas avec elles. L’époux ne fait aucun reproche aux jeunes filles imprévoyantes mais elles trouvent close la porte de la salle des noces quand elles reviennent après être allées acheter de l’huile chez les marchands. Faut-il alors nous scandaliser de l’égoïsme des jeunes filles prévoyantes qui ont refusé de partager leur huile avec celles qui en manquent ? Ce n’est pas en tout cas le but de la parabole. Pour le comprendre, remarquons justement que cette huile ne peut pas être prêtée pour être partagée. Elle est manifestement quelque chose de très personnel à la manière du désir. Aucun être humain ne peut désirer à la place d’un autre être humain et aucun disciple du Christ ne peut désirer à la place d’un autre disciple du Christ. Les jeunes filles munies de flacons d’huile sont celles qui entretiennent en elles le désir de l’époux alors que les imprévoyantes sont celles qui se laissent disperser par de multiples convoitises, au point de courir les magasins pour faire des provisions devenues inutiles au moment décisif. C’est la qualité de leur désir qui fait la différence entre les jeunes filles prévoyantes et les jeunes filles insouciantes : « J’ai contre toi que ton premier amour, tu l’as abandonné » (Ap 2,4). Pour entrer dans la salle des noces, il est nécessaire d’avoir un cœur simple et unifié, un cœur capable de saisir l’essentiel et de reléguer le secondaire. Le détachement évangélique n’est pas indifférence envers les nécessités de la vie mais concentration sur la présence de Celui qui nous fait donner au quotidien son poids d’éternité. « Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l’heure. » Père Jean-François Baudoz (Homélie pour la fête de Ste Thérèse Bénédicte de la Croix / Edith Stein - Evangile : Mt 25, 1-13) |
|||