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« Fixant sur eux son regard, Jésus dit : « Aux hommes, c'est impossible, mais pas à Dieu, car tout est possible à Dieu » (Mc 10, 27)

Ce que je cherche, lorsque je lis les évangiles ou des ouvrages s’y rapportant, ce sont des paroles qui fassent mouche, qui me réveillent, qui me transforment. Des paroles qui prennent soudain vie en moi car elles touchent, de façon unique, cette infime et singulière part qui a vraiment foi.

La soif immense qui m'habite trouve parfois réponse, comme une révélation, dans une de ces Paroles écrites dans les Évangiles, parce qu'elles ont d'abord été portées, vécues pleinement par ce Jésus qui est notre Seigneur.

Une de ces Paroles a une histoire particulière dans ma vie.

Il s'agit dans l’Évangile de Marc de « l'appel du riche ». Enfant, je me suis aisément associée à ce riche, quand bien même je me trouvais pauvre car, malgré sa dénomination, il se reconnaît manquant, petit, devant le divin, en se jetant à genou devant Jésus. Manquante, petite, voilà les sentiments qui me terrassaient moi aussi, face au mystère de la vie. Le riche pose alors la question la plus essentielle qu'un homme puisse posée « Que dois-je faire pour recevoir la vie éternelle en partage ? »

C'était, sans le savoir, cette question là qui me turlupinait sans cesse car j'étais une brave petite fille, 'qui voulait tout faire bien' et j'avais très peur de mourir. Le bien le plus désirable, au-delà même de l'amour de mes parents, me semblait être celui de la vie éternelle, dont la connaissance aurait seule été capable de me délivrer, croyais-je, de mon angoisse existentielle. Car tout me paraissait si fragile dans ce monde et mon existence même...

C'est la suite du récit qui m'a longtemps travaillée, la réponse de Jésus, le chemin qu'il propose et qui invite le riche à se transformer, à oser davantage. Jésus lui dit d'abord de suivre la loi, de ne pas faire de mal. Cette première étape me rassurait : c'est bien ce que j'essayais d'accomplir et je ne voyais pas comment il pourrait m'arriver un jour de tuer, de voler ou de commettre l'adultère.

Puis, comme le riche s'estime lui aussi au clair face à la loi, Jésus propose l'étape suivant, « faire le bien », vendre tout ce qu'il a et le donner aux pauvres, ne plus être dans la possession mais dans le don. Là encore, vu que je pensais ne rien posséder, j'avais la sensation que c'était encore possible, il fallait juste rester pauvre.

L'effroi est venu avec cette phrase sur le fameux chameau qui s'évertue à passer par le chas de l'aiguille !

Et durant des années, cette parabole pour moi s'est arrêtée là car je cherchais d'abord à me parfaire selon les lois de ce monde et j'utilisais toute ma force à mériter cette vie éternelle.

Cette pression a fini par se montrer très stressante, paralysante même. Il fallait toujours faire mieux et je me perdais dans une course sans fin, en ayant toujours aussi faim ! Je n'avais alors pas étanché ma soif à la source d'eau vive...

En fait, sans le savoir, j'étais toujours « riche », même sans le sous. Je comptais sur ce que je croyais posséder, mes qualités, et je cherchais à engranger les mérites, sans être véritablement reliée au Dieu qui aime l'Homme jusque dans ses faiblesses...car il le veut pour fils. Mais peu à peu, je m'essoufflais.

Puis j'ai démérité, sans calcul, sans beauté, je me suis écroulée et toutes mes « vertus », mes « bonnes actions », mes « gentillesses » se sont vidées de leur substances, plus rien n'avait de sens. J'ai vu ma noirceur...

La conversion de mon cœur, dans la rencontre d'un Dieu qui m'a relevée de ma condition de « pécheresse », soulevant le voile qui me cachait la loi d'amour, a permis aux Paroles de ce passage et particulièrement à celles du verset 10,27 de résonner en moi. Il a faire naître un vrai élan de vie, m'a reliée au Dieu des origines, Celui qui était déjà présent bien avant ma naissance et qui inclut notre passé, notre futur, dans Son éternel présent.

C'est vers moi que Jésus a tourné son regard. J'ai perçu que ce chemin que j'avais suivi jusque là, m'avait fait perdre ma foi en moi-même, en mes propres forces, perdre cet orgueil qui me poussait à tenter de me sauver moi-même. Je tournais en rond et ne savais rien alors de l'Amour de Dieu. La voie du mérite s'avérait, au bout du compte, impossible à suivre, et se révélait une condition qui m'amenait à croire en un Dieu juge, qui nous attend au tournant, et qui n'aime que la perfection...

Lorsque nous nous mettons en chemin derrière le Christ, ce Jésus de Nazareth qui a accueilli pleinement Dieu en toute confiance, qui s'est laissé aimé pleinement de son Père, s'ouvrant totalement à lui, nous acceptons enfin de parcourir notre véritable chemin de vie, seule voie qui nous réalise vraiment dans notre être profond. Cette invitation offre un sens profond, une origine, une direction, en ouverture, qui ne nous rend pas contrits mais intenses face à cette vie, qui non seulement nous autorise à être nous-mêmes mais nous y engage sous le regard d'Amour de Celui qui nous précède, incluant nos qualités et nos ombres... Non plus chercher à gagner notre salut mais se laisser aimer par le Dieu d'Amour, nous laisser devenir enfant de Dieu à notre tour.

Le verset 10,27 est une proclamation d'espoir infinie. Quoi que nous fassions, nous ne pourrions être que bien mauvais, bien mièvres et imparfaits devant le Seigneur et il le sait mieux que nous, lui qui sonde les cœurs. C'est évidemment impossible aux hommes lorsqu'ils se placent sur ce terrain de la perfection...

Au bout de la noirceur, le 21 juillet 1988, mon cœur s'est enfin retourné face à ce Jésus qui m'a visitée. Je suis ainsi passée, d'une perception de la vie où je devais collectionner les bonnes œuvres, à un cheminement en compagnie de Jésus le Christ, en lequel s'est lié le divin et l'humain. Mon premier regard se trouvait plutôt aiguiser à voir ce qui est mauvais chaque fois que je trébuchais, à me juger et à juger l'autre, tandis que mon regard neuf est ouvert par Celui qui aime tout l'Homme et qui dit être venu, avant tout, pour ceux qui se reconnaissent pauvres, malades, les déshérités, les adultères, les souffrants. Nous le sommes tous mais nous devons le reconnaître et percevoir, dans l'expérience, que nous avons besoin désespérément d'être relevés. C'est à suivre un chemin qui met en vie tout ce que nous sommes et qui a été créé par Dieu, que nous sommes invités, instant après instant.

Le premier état était guidé par le désir d'obtenir cette vie éternelle, de l'avoir, de la posséder, comme un gros lot, gagné à force de mérite. La deuxième part, n'est pas un état mais un chemin, jamais terminé en cette vie et tortueux, mais en compagnie de Celui qui s'est volontairement et pleinement lié au Dieu d'Amour, Celui qui est le Dieu d'amour, seule porte possible, porte étroite comme le chas d'une aiguille pour notre orgueil chameau. Par cette conversion, réactualisée, je peux d'ors et déjà partager (et non posséder) quelque chose de ce Royaume hors du temps, dans lequel nous sommes tous fils et filles de Dieu, tous frères, dans l'éternelle Présence de Celui qui Est.

Nicole (71)

 
CAREME2015FIN

Abbaye cistercienne Notre Dame du Val d'Igny, 51170 Arcis Le Ponsart