PARTAGER LA PAROLE |
|||||
|
MT 19,16-30 Voici que quelqu’un s’approcha de Jésus et lui dit : « Maître, que dois-je faire de bon pour avoir la vie éternelle ? » Jésus lui dit : « Pourquoi m’interroges-tu sur ce qui est bon ? Celui qui est bon, c’est Dieu, et lui seul ! Si tu veux entrer dans la vie, observe les commandements. » Il lui dit : « Lesquels ? » Jésus reprit : « Tu ne commettras pas de meurtre. Tu ne commettras pas d’adultère. Tu ne commettras pas de vol. Tu ne porteras pas de faux témoignage. Honore ton père et ta mère. Et aussi : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Le jeune homme lui dit : « Tout cela, je l’ai observé : que me manque-t-il encore ? » Jésus lui répondit : « Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux. Puis viens, suis-moi. » À ces mots, le jeune homme s’en alla tout triste, car il avait de grands biens.(Mt 19, 16-22) « Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux. » Faut-il comprendre que le trésor céleste viendra compenser le trésor terrestre ? Autrement dit, s’agit-il de troquer un trésor contre un autre trésor ? Le mot « cieux » doit nous alerter, dans la mesure où Jésus fait passer son interlocuteur de la terre au ciel, d’un régime d’échange marchand à un trésor qui ne consiste pas en un bien qui pourrait faire l’objet d’une négociation commerciale. Le jeune homme riche a compris que la fidélité aux commandements concerne la vie terrestre, dont la récompense sera la vie éternelle. Jésus brise la perspective : il ne s’agit plus d’observer aujourd’hui la Loi en vue d’obtenir demain un bénéfice. Tout abandonner n’est pas le préalable pour obtenir un trésor céleste et l’obtention du trésor céleste n’est pas la conséquence de la renonciation aux richesses. Le trésor dans le ciel advient au moment même où l’on se dépossède de tout ce que l’on a, tant il est vrai que celui qui n’est plus possédé par l’avoir devient aussitôt libre pour entrer dans une relation nouvelle : « Viens et suis-moi ! ». Seule la dépossession permet de marcher à la suite de Jésus. Le trésor n’est pas pour demain : il est déjà là. Non pas comme un bien à acquérir mais comme un chemin à parcourir ! La sainteté n’est pas demain mais pour aujourd’hui : « Si tu veux être parfait…, suis-moi… » aujourd’hui ! Et Jésus dit à ses disciples : « Amen, je vous le dis : un riche entrera difficilement dans le royaume des Cieux. Je vous le répète : il est plus facile à un chameau de passer par un trou d’aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume des Cieux. » Entendant ces paroles, les disciples furent profondément déconcertés, et ils disaient : « Qui donc peut être sauvé ? » Jésus posa sur eux son regard et dit : « Pour les hommes, c’est impossible, mais pour Dieu tout est possible. » Alors Pierre prit la parole et dit à Jésus : « Voici que nous avons tout quitté pour te suivre : quelle sera donc notre part ? » Jésus leur déclara : « Amen, je vous le dis : lors du renouvellement du monde, lorsque le Fils de l’homme siégera sur son trône de gloire, vous qui m’avez suivi, vous siégerez vous aussi sur douze trônes pour juger les douze tribus d’Israël. Et celui qui aura quitté, à cause de mon nom, des maisons, des frères, des sœurs, un père, une mère, des enfants, ou une terre, recevra le centuple, et il aura en héritage la vie éternelle. Beaucoup de premiers seront derniers, beaucoup de derniers seront premiers.(Mt 19, 23-30) « Qui donc peut être sauvé ? » A la question des disciples, Jésus ne donne pas de réponse : il ne dit pas qui peut être sauvé. Mais il va prononcer une parole énigmatique : « Pour les hommes, c’est impossible, mais pour Dieu tout est possible. » Jésus ne dit rien d’autre que l’impossibilité humaine de se hisser jusqu’à hauteur de Dieu. On comprend habituellement la déclaration de Jésus comme une sorte de contre-balancement : ce que les hommes ne peuvent réaliser, Dieu va le faire pour eux ! Et s’il fallait d’abord comprendre la parole de Jésus en son sens le plus littéral ? Dieu seul peut se déposséder et se désencombrer de tout. Dieu seul peut se donner entièrement au point de ne pas avoir de point commun avec l’avoir. Dieu seul ne vit qu’en se donnant lui-même. Dans cette perspective, « pour Dieu, tout est possible ». Comprenons alors qu’il lui est possible de donner aux hommes ce qu’eux-mêmes ne peuvent donner totalement, c’est-à-dire eux-mêmes. Et le don de Dieu ne vient pas ainsi comme une sorte de deus ex machina qui viendrait rattraper les insuffisances de l’homme. Si les hommes peuvent avoir un trésor dans les cieux, c’est uniquement parce qu’il est lui-même le salut. N’est-ce pas à un renversement complet de notre image spontanée de Dieu qu’invite la lecture de cette péricope ? Père Jean-François Baudoz |
||